Vous qui ne savez pas combien l'enfance
est belle,
Enfant ! N’enviez point notre âge de douleurs,
Où
le coeur tour à tour est esclave et rebelle,
Où le rire est
souvent plus triste que vos pleurs.
Votre âge insouciant est si doux
qu'on l'oublie !
Il passe, comme un souffle au vaste champ des airs,
Comme
une voix joyeuse en fuyant affaiblie,
Comme un alcyon sur les mers.
Oh ! Ne vous hâtez point de mûrir
vos pensées !
Jouissez du matin, jouissez du printemps ;
Vos heures
sont des fleurs l'une à l'autre enlacées ;
Ne les effeuillez
pas plus vite que le temps.
Laissez venir les ans ! Le destin vous
dévoue,
Comme nous, aux regrets, à la fausse amitié,
A
ces maux sans espoir que l'orgueil désavoue,
A ces plaisirs qui font
pitié.
Riez pourtant ! Du sort ignorez la
puissance
Riez ! N'attristez pas votre front gracieux,
Votre œil d'azur,
miroir de paix et d'innocence,
Qui révèle votre âme et
réfléchit les cieux !
Victor HUGO (1802-1885)
Recueil: odes et ballades
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