Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les
longs angelus se sont tus...
Sur la nature défleurie
Faites s'abattre des
grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.
Armée étrange aux cris
sévères,
Les vents froids attaquent vos nids !
Vous, le long des fleuves
jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les
trous
Dispersez-vous, ralliez-vous !
Par milliers, sur les champs de
France,
Où dorment des morts d'avant-hier,
Tournoyez, n'est-ce pas,
l'hiver,
Pour que chaque passant repense !
Sois donc le crieur du
devoir,
O notre funèbre oiseau noir !
Mais, saints du ciel, en haut du
chêne,
Mât perdu dans le soir charmé,
Laissez les fauvettes de mai
Pour
ceux qu'au fond du bois enchaîne,
Dans l'herbe d'où l'on ne peut fuir,
La
défaite sans avenir.
Arthur rimbaud (1854-1891)
recueil: poésies