Ou l'homme que vous frappez est sans famille, sans parents, sans adhérents dans ce monde. Et dans ce cas, il n'a reçu ni éducation, ni instruction, ni soins pour son esprit, ni soins pour son cœur ; et alors de quel droit tuez-vous ce misérable orphelin ? Vous le punissez de ce que son enfance a rampé sur le sol sans tige et sans tuteur ! Vous lui imputez a forfait l'isolement ou vous l'avez laissé ! De son malheur, vous faites son crime ! Personne ne lui a appris a savoir ce qu'il faisait. Cet homme ignore. Sa faute est a sa destinée, non a lui. Vous frappez un innocent.

 

Victor Hugo (écris sur la peine de mort)

 

 Quoi ! Ne point aimer ! suivre une morne carrière
sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
quoi ! marche devant soit sans savoir ou l'on va,
rire de Jupiter sans croire a Jéhovah,
regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
pour de vains résultats faire de vains efforts,
N’attendre rien d'en haut ! Ciel ! Oublier les morts !
Ou non je ne suis point de ceux la ! grands, prospères,
fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repères
je les fuis, et je crains leurs sentiers détestes ;
et j'aimerai mieux être, ô fourmis des cités,
tourbe, foule, hommes faux, cœurs morts, races déchues,
un arbre dans les bois qu'une âme dans vos cohues !
 

Victor Hugo extrait des châtiments (livre IV, poème IX)

 

 

Le succès conduit a leur perte bien des gens. Un brutal avait lancé une pierre à Esope. "C’est très bien", dit il ; ensuite il lui donna un as, et il ajouta : "ma fois, je n'ai rien de plus, mais je te dirai de qui tu peux recevoir davantage. Tiens, voici un homme puissant et riche, lance-lui une pierre et tu recevras la récompense que tu mérites." L'autre, persuadé, fit ce qu'on lui disait. Mais son audace imprudente fut déçue dans son espoir. On l’arrêta et il subit le dernier supplice.

 

Phèdre

Souvent on trouve plus d'utilité dans les choses qu'on méprise que dans les choses qu'on loue. Cette fable en est la preuve. Un cerf, ayant bu a une fontaine, s'y arrêta et vit son visage dans l’eau. Là, tandis qu'il louait, plein d'admiration, ses cornes en forme de rameaux et critiquait la minceur excessive de ses jambes, soudain épouvanté par les cris des chasseurs, il se mis a fuir par la plaine et, d'une course légère, échappa aux chiens. La foret lui offrit ensuite un asile. Mais arrêté par ses cornes qui se prennent aux branches, il est déchiré par les morsures cruelles des chiens. Alors en mourant il prononça, dit-on, cette parole : "ô malheureux que je suis ! Je comprends seulement combien me fut utile ce que je méprisais et combien ce que je louais m'a été funeste.

 

Phèdre fables I-12